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ÉPITRE XIX. A DARGET.a APOLOGIE DES ROIS.

De mes productions laborieux copiste,
Qui de tous mes écrits sous ta clef tiens la liste,
Confesse-moi, Darget, les secrets de ton cœur.
Dis-moi, que penses-tu d'un maître si rêveur,
Inégal, agité, pensif, distrait et sombre,
Tel qu'est un algébriste en combinant un nombre?
Le plaisir vainement veut dérider son front,
Il paraît absorbé dans un travail profond;
Tu lui vois tellement faire la sourde oreille,
Qu'à peine, quand tu lis, Cicéron le réveille.
Alors, réfléchissant au fond de ton cerveau
Sur un roi si rêveur dans un poste si beau,
Tu penses en toi-même, enviant ma fortune :


a Claude-Etienne Darget, nommé le 18 janvier 1746 au poste de secrétaire des commandements du Roi, retourna en France le 14 mars 1752. Il fut chargé plusieurs fois de lire à l'Académie des sciences les écrits du Roi. On lui donnait, par courtoisie, le titre de conseiller intime. De retour en France, il fut placé à l'école militaire; il devint ensuite ministre des évêques de Liége et de Spire. Né en 1712, il mourut en 1778.
     Cette Épitre à Darget rappelle l'Épitre de Boileau à son jardinier.