<180>Puissants pour leurs voisins, misérables chez eux,
Ont le cœur dévoré de soins ambitieux!
aEt quoique leur pays soit beaucoup moins barbare
Que ce repaire d'ours, image du Ténare,
Il n'est aucun État, si policé qu'il soit,
Où pour le bien public la réforme n'ait droit,
Où l'usage et la loi l'un à l'autre contraires
N'offensent du bon sens les préceptes sévères.
« De ces difficultés on sent les embarras,
Mais pourquoi, dites-vous, ne les lève-t-on pas? »
Sachez comme en effet le monde se gouverne :
Ceux devant qui le peuple en tremblant se prosterne,
Élevés dans la pompe et dans l'oisiveté,
D'un ouvrage suivi redoutent l'âpreté;
Occupés de plaisirs, au sein de la mollesse,
Ces fainéants heureux respectent leur paresse;
Les affaires iront selon le gré des dieux,
Tous les événements étaient prévus par eux,
Et le soin que du monde a pris la Providence
De travaux superflus en honneur les dispense.
Leur lâche quiétude adopte ces raisons,
Et perd dans ses langueurs les jours et les saisons;
Ces fardeaux de la terre, engourdis sur le trône,
Insensibles pour nous, tendres pour leur personne,
Semblables par leurs mœurs aux rois orientaux,
Sans procurer le bien, tolèrent tous les maux.
Si la Saxe, autrefois puissante et fortunée,


a

Ou qui, voluptueux, plongés dans l'indolence,
En d'indignes mortels ont mis leur confiance.

(Variante de l'édition in-4 de 1760. p. 240.)