<167>encore, ce qui me paraît impossible, que ces sujets érigés en juges de leur maître fussent et sages et équitables, que les aspirants au trône fussent sans ambition, que ni l'intrigue, ni la cabale, ni un esprit d'indépendance ne pussent prévaloir; il faudrait encore que la race détrônée fût totalement extirpée, ou ce seraient des aliments de guerres civiles, et des chefs de partis toujours prêts à se mettre à la tête des factions pour troubler l'État. Il résulterait encore en conséquence de cette forme de gouvernement que les candidats et les prétendants au trône remueraient continuellement, animeraient le peuple contre le prince, et fomenteraient des séditions et des révoltes à la faveur desquelles ils se flatteraient d'élever leur fortune et de parvenir à la domination; de sorte qu'un gouvernement pareil serait sans cesse exposé à des guerres intestines mille fois plus dangereuses que les guerres étrangères. C'est pour éviter de semblables inconvénients que l'ordre de succession a été adopté et établi dans plusieurs États de l'Europe. On s'est aperçu du trouble que les élections entraînent après elles, et l'on a craint, comme de raison, que des voisins jaloux ne profitassent d'une occasion aussi favorable pour subjuguer ou dévaster le royaume. L'auteur pouvait facilement s'éclaircir sur les conséquences de ses principes; il n'avait qu'à jeter un coup d'œil sur la Pologne, où chaque élection de roi est l'époque d'une guerre civile et étrangère.

C'est une grande erreur de croire que dans les choses humaines il puisse se rencontrer des perfections; l'imagination peut se forger de telles chimères, mais elles ne seront jamais réalisées. Depuis que le monde dure, les nations ont essayé de toutes les formes de gouvernement, les histoires en fourmillent : mais il n'en est aucun qui ne soit sujet à des inconvénients. La plupart des peuples ont cependant autorisé l'ordre de succession des familles régnantes, parce que, dans le choix qu'ils avaient à faire, c'était le parti le moins mauvais. Le mal qui résulte de cette institution consiste en ce qu'il est impossible que dans une famille les talents et le mérite soient transmis sans interruption, de père en fils, pendant une longue suite d'années, et qu'il arrive que le trône est quelquefois occupé par des princes indignes de le remplir. Dans ce cas même reste la ressource d'habiles ministres, qui