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LETTRE D'UN GÉNEVOIS A M. BURLAMAQUI,a PROFESSEUR A GENÈVE.

Après vous avoir exposé tout ce qui regarde le gouvernement de ce pays-ci, je croyais avoir satisfait amplement à votre curiosité; mais je me suis trompé. Vous trouvez que la matière n'est pas épuisée, vous considérez l'éducation de la jeunesse comme un des objets les plus importants d'un bon gouvernement, et vous voulez être instruit des attentions qu'on y porte dans l'État où je suis. Cette question que vous me faites en peu de mots vous attirera une réponse qui passera les bornes d'une lettre ordinaire, par les discussions indispensables dans lesquelles elle m'entraîne. J'aime à considérer cette jeunesse qui s'élève sous nos yeux; c'est la génération future qui est confiée à l'inspection de la race présente, c'est un nouveau genre humain qui s'achemine pour remplacer celui qui existe, ce sont les espérances et les forces de l'État renaissantes, qui, bien dirigées, perpétueront sa splendeur et sa gloire. Je pense bien, comme vous, qu'un prince sage doit mettre toute son application à former dans ses États des citoyens utiles et vertueux. Ce n'est pas d'aujourd'hui que j'ai examiné l'éducation qu'on donne à la jeunesse dans les différents États de l'Europe. Cette foule de grands hommes qu'ont produits la


a Jean-Jacques Burlamaqui, né à Genève en juillet 1694, y mourut au mois d'avril 1748. On a de lui deux ouvrages : les Principes du Droit naturel, publiés par l'auteur à Genève en 1747, in-4, et le Droit public, Genève, 1751, ouvrage posthume, tiré des cahiers de ses élèves.