<137>pire d'Orient et d'Occident, que ces barbares ne demandaient, pour l'ordinaire, que des champs pour cultiver, afin de fournir à leur subsistance. Les pays du Nord ne sont pas moins peuplés qu'ils l'étaient alors; mais comme le luxe a très-sagement multiplié nos besoins, il a donné lieu à des manufactures et à tous ces arts qui font subsister des peuples entiers, qui, autrement, seraient obligés de chercher leur subsistance ailleurs.

Ces manières donc de faire prospérer un État sont comme des talents confiés à la sagesse du souverain, qu'il doit mettre à usure et faire valoir. La marque la plus sûre qu'un pays est sous un gouvernement sage et heureux, c'est lorsque les beaux-arts naissent dans son sein : ce sont des fleurs qui viennent dans un terrain gras et sous un ciel heureux, mais que la sécheresse ou le souffle des aquilons fait mourir.

Rien n'illustre plus un règne que les arts qui fleurissent sous son abri. Le siècle de Périclès est aussi fameux par les grands génies qui vivaient à Athènes que par les batailles que les Athéniens donnèrent alors. Celui d'Auguste est mieux connu par Cicéron, Ovide, Horace, Virgile, etc. que par les proscriptions de ce cruel empereur, qui doit, après tout, une grande partie de sa réputation à la lyre d'Horace Celui de Louis XIV est plus célèbre par les Corneille, les Racine les Molière, les Boileau, les Des Cartes, les Le Brun, les Girardon que par ce passage du Rhin tant exagéré, par les siéges où Louis se trouva en personne, et par la bataille de Turin, que M. de Marsin fit perdre au duc d'Orléans par ordre du cabinet.

Les rois honorent l'humanité lorsqu'ils distinguent et récompensent ceux qui lui font le plus d'honneur, et qu'ils encouragent ces esprits supérieurs qui s'emploient à perfectionner nos connaissances et qui se dévouent au culte de la vérité.

Heureux sont les souverains qui cultivent eux-mêmes ces sciences, qui pensent avec Cicéron, ce consul romain, libérateur de sa patrie et père de l'éloquence : « Les lettres forment la jeunesse, et font les charmes de l'âge avancé. La prospérité en est plus brillante; l'adversite en reçoit des consolations; et dans nos maisons, dans celles des autres, dans les voyages, dans la  »