<136>de se rendre plus puissants seront obligés d'étudier principalement la constitution de leur pays, afin de savoir lesquels de ces arts seront les plus propres à y réussir, et par conséquent lesquels ils doivent le plus encourager. Les Français et les Espagnols se sont aperçus que le commerce leur manquait, et ils ont médité, par cette raison, sur le moyen de ruiner celui des Anglais. S'ils réussissent, la France augmentera sa puissance plus considérablement que la conquête de vingt villes et d'un millier de villages ne l'aurait pu faire, et l'Angleterre et la Hollande, ces deux plus beaux et plus riches pays du monde, dépériront insensiblement, comme un malade qui meurt de consomption.

Les pays dont les blés et les vignes font les richesses ont deux choses à observer : l'une est de défricher soigneusement toutes les terres, afin de mettre jusqu'au moindre terrain à profit; l'autre est de raffiner sur un plus grand, un plus vaste débit, sur les moyens de transporter ces marchandises à moins de frais, et de pouvoir les vendre à meilleur marché.

Quant aux manufactures de toutes espèces, c'est peut-être ce qu'il y a de plus utile et de plus profitable à un État, puisque, par elles, on suffit aux besoins et au luxe des habitants, et que les voisins sont même obligés de payer tribut à votre industrie; elles empêchent, d'un côté, que l'argent sorte du pays, et elles en font rentrer de l'autre.

Je me suis toujours persuadé que le défaut de manufactures avait causé en partie ces prodigieuses émigrations des pays du Nord, de ces Goths, de ces Vandales qui inondèrent si souvent les pays méridionaux. On ne connaissait d'art, dans ces temps reculés, en Suède, en Danemark, et dans la plus grande partie de l'Allemagne, que l'agriculture ou la chasse; les terres labourables étaient partagées entre un certain nombre de propriétaires qui les cultivaient, et qu'elles pouvaient nourrir.

Mais comme la race humaine a de tout temps été très-féconde dans ces climats froids, il arrivait qu'il y avait deux fois plus d'habitants dans un pays qu'il n'en pouvait subsister par le labourage, et ces cadets de bonne maison s'attroupaient alors; ils étaient d'illustres brigands, par nécessité; ils ravageaient d'autres pays, et en dépossédaient les maîtres. Aussi voit-on, dans l'em-