<37>mieux attendre qu'ils eussent achevé leurs grands préparatifs, pour remettre les entreprises qu'ils jugeraient bon de former, à leur discrétion. Quelque parti que l'on prît dans ces conjonctures, il est certain que la guerre était également sûre et inévitable; il restait donc à calculer s'il y aurait plus d'avantage à la différer de quelques mois, ou à la commencer incessamment. Vous verrez, par les Pièces justificatives annexées à la suite de ce chapitre, que le roi de Pologne était un des plus zélés partisans de la conjuration que l'Impératrice-Reine avait formée contre la Prusse. L'armée saxonne était faible : on savait que le fond en montait à peu près à dix-huit mille hommes; mais on savait aussi que pendant l'huer même cette armée devait être augmentée, et qu'on voulait la porter au nombre de quarante mille combattants. En différant la guerre, le Roi donnait donc le temps à ce voisin malintentionné de se mettre dans une posture plus formidable; sans compter que la Russie ne pouvant pas entrer en action cette année, et la Saxe n'ayant pas achevé de perfectionner ses arrangements, ces conjonctures paraissaient favorables pour gagner sur les ennemis des avantages en les prévenant dès la première campagne, qu'on perdrait par une délicatesse déplacée, en renvoyant les opérations à l'année suivante. De plus, par cette inaction on facilitait aux ennemis le moyen de fondre à forces réunies sur les États du Roi, qui auraient servi de théâtre à la guerre dès l'ouverture de la première campagne; au lieu qu'en portant la guerre chez ces voisins dont les mauvais desseins étaient mis en évidence, on l'établissait chez eux, et l'on ménageait par là les provinces de la domination prussienne. Et quant à ce nom si terrible d'agresseur, c'était un vain épouvantail, qui ne pouvait en imposer qu'à des esprits timides, auquel il ne fallait donner aucune attention dans une conjoncture importante où il s'agissait du salut de la patrie, puisque le véritable agresseur est sans doute celui qui oblige l'autre à s'armer, et à le prévenir par l'entreprise d'une guerre moins difficile, pour en éviter une plus dangereuse, parce que de deux maux il faut choisir le moindre. Après tout, que les ennemis du Roi l'accusassent d'être agresseur, ou qu'ils ne le fissent point, cela revenait au même, et ne changeait rien au fond de l'affaire, car la conjuration des puissances