<36>Mecklenbourg. Ce différend était une bagatelle, et l'affaire était accommodée et assoupie; il s'était agi du droit de lever des recrues, que le Brandebourg avait eu de tout temps dans le Mecklenbourg : le duc s'était avisé de le trouver mauvais; après qu'on lui eut prouvé la justice de la cause, et qu'il ne voulait pas se rendre, le Roi se fit justice à lui-même. Quoiqu'il ne fût plus question de cette bagatelle, l'Impératrice voulut la rappeler : elle prétendait faire envisager les procédés du Roi comme contraires aux lois de l'Empire, et comme une violation de la paix de Westphalie; ce qui devait l'engager de prendre fait et cause, d'embrasser le parti du duc de Mecklenbourg, et de réclamer l'assistance de tous les garants de cette paix de Westphalie. La connaissance qui vint au Roi de ce dessein, jointe à l'assemblée de trois armées sur ses frontières, qui menaçaient d'un jour à l'autre d'une rupture ouverte, donna lieu à l'explication que demanda le Roi à la cour de Vienne sur la cause de ce grand armement : on la pria de vouloir y faire une réponse catégorique, pour qu'on sût si son intention était de maintenir la paix avec le Roi, ou de la rompre. La réponse du comte Kaunitz se trouva conçue en termes ambigus et d'un sens équivoque; mais il s'expliqua plus ouvertement envers le comte de Flemming, ministre du roi de Pologne à Vienne : celui-là rendit compte de cet entretien dans une relation à sa cour. La copie de cette dépêche fut envoyée incontinent de Dresde à Berlin; le comte Flemming y dit : « Le comte Kaunitz se propose d'inquiéter le Roi par ses réponses, et de le pousser à commettre les premières hostilités. » Il est vrai que le style en était si arrogant et si fier, qu'il en résultait assez clairement que l'Impératrice-Reine voulait la guerre, et même qu'elle voulait de plus que le Roi portât le nom d'agresseur.

Il était néanmoins probable que cette année s'écoulerait encore sans que les ennemis de la Prusse en vinssent aux dernières extrémités, parce que la cour de Pétersbourg voulait différer la guerre jusqu'à l'année suivante, et qu'il était apparent que l'Impératrice-Reine attendrait que tous ses alliés fussent prêts, pour attaquer le Roi à forces réunies. Ces considérations donnèrent lieu d'examiner ce problème : s'il était plus avantageux de prévenir ses ennemis en les attaquant incontinent, ou s'il valait