<501>que nos infirmités communes nous annoncent un départ prochain. J'ai été obligé de me faire saigner, parce que mon sang était aussi agité que le parlement d'Angleterre. Quoique mon mal n'ait pas été fort considérable, il a épuisé mes forces, et je tâche de m'en regagner, s'il y a encore de l'étoffe pour en fournir. Vous me faites grand plaisir de me rassurer sur le sujet de mon frère Ferdinand; je crains pour sa poitrine, qui est faible et débile; Dieu veuille nous le conserver! Vous saurez sans doute que la paix vient d'être signée entre les Turcs et les Russes. A présent la pantocratrice ne cédera plus le pas à la providence divine, et du haut de son trône elle donnera des lois despotiques aux potentats de notre globe.

Chasot est venu ici de Lübeck;a il ne parle que de mangeaille, de vins de Champagne, du Rhin, de Madère, de Hongrie, et du faste de messieurs les marchands de la bourse de Lübeck, de la grande rivière de la Trave, du port de la ville, et de son jardin, dont il a fait l'énumération exacte des arbres, arbustes, plantes, légumes, et des herbes qui l'embellissent. Vous voyez, mon cher frère, quels progrès en connaissances j'ai faits depuis que j'ai eu l'honneur de vous voir. Si cela continue, je pourrai publier un ouvrage sur les jardins, qui damera le pion à celui de La Quinlinie,a et quelque écrit sur les végétaux et la nomenclature des plantes, qui sera mis de pair avec les écrits de ce fameux botaniste de Suède qui vient de mourir.b

Voilà des balivernes, et c'est tout ce que ce sol aride en nouvelles me fournit. C'est en faisant mille vœux pour votre conservation et contentement que je vous prie de me croire avec le plus tendre attachement et la plus haute estime, etc.


a Voyez t. XXV, p. III-V, 318 et 329, nos 11 et 12.

a Voyez t. X, p. 185.

b Frédéric parle probablement de Charles de Linné, mort à Upsala le 10 janvier 1778. Voyez t. XXIV, p. 592.