<545>sophie, pour l'engager à ne point s'acharner sur les morts, ni sur les vivants qui sont censés morts, et qui devraient l'être pour lui par le peu de mal qu'ils peuvent lui faire. Hélas! Sire, il y a longtemps que j'ai pris la liberté de lui donner ce conseil, et V. M. voit quel en est le fruit. Il faut gémir sur le sort de l'humanité, qui ne permet pas qu'un seul homme ait à la fois tous les talents et toutes les vertus, et qui devrait pourtant le permettre, ne fût-ce que pour dédommager la terre de porter tant d'hommes qui n'ont ni talents, ni vertus. Cependant je ferai encore un nouvel effort d'après les représentations de V. M.; je représenterai, aussi d'après elle, à l'écrivain dont la France s'honore qu'il est trop grand pour cette guerre de chicane avec des pandours; qu'il est trop juste pour ne pas rendre au mérite réel et reconnu la justice qui lui est due; que le plus grand homme a besoin d'indulgence, et s'en rend digne surtout par celle qu'il a pour les autres; que non seulement sa tranquillité, mais ses écrits mêmes y gagneront, et que ces expressions de sa haine qui reviennent à chaque page les rendent d'autant moins intéressants; qu'il en est des auteurs à peu près comme des comédiens :

Que de leurs démêlés le public n'a que faire.

Si j'avais à joindre l'exemple au conseil, et à lui rappeler les grands hommes qui n'ont opposé à la satire que la modération et leur gloire, je sais bien, Sire, le modèle que j'aurais à lui proposer. Mais peut-être me répondrait-il que ce modèle est plus admirable qu'imitable, et je ne sais pas trop ce que j'aurais à lui répondre.

Je suis avec le plus profond respect et une reconnaissance qui ne finira qu'avec ma vie, etc.