<408>pathétique à Son Altesse Sérénissime, où, par une belle péroraison, je m'efforce d'amollir ses entrailles d'airain, lui représentant que le grand homme auquel il doit a mérité la reconnaissance de toute l'Europe, et qu'ainsi c'est une double dette dont il doit s'acquitter envers lui. Je lui parle d'une vieillesse respectable qu'il faut honorer et soulager, et de la réputation qui rejaillira sur lui d'avoir aidé à tranquilliser sur la fin de sa carrière ce patriarche des êtres pensants, et un homme dont le nom durera plus longtemps que celui de la Forêt-Noire et du Würtemberg. Enfin, si des phrases peuvent trouver quelque chose dans des bourses vides, peut-être en ferai-je sortir les derniers écus. Mais je n'en réponds pas, car de nihilo nihil,a etc., comme vous savez.

Grimm est arrivé ici de Pétersbourg. Nous avons beaucoup parlé de votre pantocratrice, de ses lois, des grandes mesures qu'elle prend pour civiliser sa nation. Grimm est devenu colonel; je vous en avertis pour ne pas omettre ce titre, qui de philosophe l'a rendu militaire. Apparemment que nous entendrons parler de ses hauts faits d'armes en Crimée, si le délire porte les Turcs à déclarer la guerre à l'Impératrice.

Mais l'incertitude où je suis de ce que deviendra mon miracle m'occupe plus que tout ceci. Je crains quelque mauvais tour de mon pupille, qui, jaloux de ma réputation, me fera manquer mon miracle. Vivez, vivez cependant, et conservez-vous pour la consolation des êtres pensants, et pour le grand contentement du solitaire de Sans-Souci. Vale.


a Perse dit (d'après Lucrèce, liv. I, v. 151 et 152), satire III, v. 83 et 84 :
     

......gini
De nihilo nihil