<196>justes, dans la situation actuelle des choses, pour s'arranger de la manière la plus avantageuse et la plus utile au bien de l'État. Cependant, quoi qu'on fasse en France, les Velches crient, critiquent, se plaignent, et se consolent par quelque chanson maligne, ou quelques épigrammes satiriques. Lorsque le cardinal Mazarin, durant son ministère, faisait quelque innovation, il demandait si à Paris on chantait la canzonetta. Si on lui disait que oui, il était content.

Il en est presque de même partout. Peu d'hommes raisonnent, et tous veulent décider.

Nous avons eu ici en peu de temps une foule d'étrangers. Alexis Orloff, à son retour de Pétersbourg, a passé chez nous pour se rendre sur sa flotte, à Livourne; il m'a donné une pièce assez curieuse que je vous envoie.c Je ne sais comment il se l'est procurée; le contenu en est singulier; peut-être vous amusera-t-elle.

Oh! pour la guerre, M. de Voltaire, il n'en est pas question. Messieurs les encyclopédistes m'ont régénéré. Ils ont tant crié contre ces bourreaux mercenaires qui changent l'Europe en un théâtre de carnage, que je me garderai bien, à l'avenir, d'encourir leurs censures. Je ne sais si la cour de Vienne les craint autant que je les respecte; mais j'ose croire toutefois qu'elle mesurera ses démarches.

Ce qui paraît souvent en politique le plus vraisemblable l'est le moins. Nous sommes comme des aveugles, nous allons à tâtons; et nous ne sommes pas aussi adroits que les Quinze-Vingts, qui connaissent, à ne s'y pas tromper, les rues et les carrefours de Paris. Ce qu'on appelle l'art conjectural n'en est pas un; c'est un jeu de hasard où le plus habile peut perdre comme le plus ignorant.

Après le départ du comte Orloff, nous avons eu l'apparition d'un comte autrichiena qui, lorsque j'allai me rendre en Moravie chez l'Empereur, m'a donné les fêtes les plus galantes. Ces fêtes ont donné lieu aux vers que je vous envoie;b elles y sont décrites


c Lettre de M. Nicolini à M. Francouloni, t. XV, p. XVIII, et p. 195 et suivantes.

a Voyez t. XX, p. XVI-XVIII, et p. 267 et suivantes.

b Voyez t. XIII, p. 80-85.