<195>approfondie de la poésie et de l'éloquence demande toute la vie d'un homme. Je n'ai fait que ce métier, et, à l'âge de cinquante-cinq ans, j'apprends encore tous les jours. Ces occupations vaudraient bien des parties de jeu ou des parties de chasse. Les amusements de Frédéric le Grand doivent être ceux de Scipion.

Si vous me permettiez alors d'entrer dans les détails, j'ose croire que vous conviendriez que la Sémiramis ancienne, dont V. M. me parle, ne vaut rien du tout, et que le public, qui jamais ne s'est trompé à la longue ni sur les rois, ni sur les auteurs, a eu très-grande raison de la réprouver. Et pourquoi l'a-t-il condamnée unanimement? C'est que l'amour d'une mère pour son fils, cet amour qui brava les remords, est révoltant, odieux. L'amour de Phèdre avait besoin de remords, dans Euripide et dans Racine, pour trouver grâce, pour intéresser. Comment voulez-vous donc qu'on supporte l'amour d'une mère, quand d'ailleurs il joint à l'horreur d'un inceste dégoûtant la fadeur des expressions d'un amour de ruelle, jointe à un style toujours dur et vicieux? Qu'est-ce qu'un Bélus qui parle toujours des dieux et de vertu, en faisant des actions de malhonnête homme? Quelle conspiration que la sienne! Comme elle est embrouillée et peu vraisemblable! Comme le roman sur lequel tout cela est bâti est mal tissu, obscur et puéril! Enfin, quelle versification! Voilà, Sire, les raisons qui justifient notre public, depuis trente ans que cette pièce fut donnée. Comment pouvez-vous soupçonner qu'une cabale ait fait tomber cet ouvrage? Tous les rois de la terre ne seraient pas assez puissants pour gouverner pendant trente ans le parterre de Paris. Passe pour quelques représentations. On ne s'acharne point contre Crébillon, en disant ainsi, avec tout le monde, que ce qui est mauvais est mauvais. On lui rend justice, comme quand on loue les très-belles choses qui sont dans Électre et dans Rhadamiste. Je parle de lui avec la même vérité que je parle de V. M. à vous-même.

Ne croyez pas non plus que dans notre Académie nous nous reprochions sans cesse nos incorrections. Nous avons trouvé très-peu de fautes contre la pureté de la langue dans Racine, dans Boileau, dans Pascal; et ces fautes, qui sont légères, ne dérobent rien à l'élégance, à la noblesse, à la douceur du style. L'Académie