<132>Comment, mon cher Voltaire, pouvez-vous souffrir que l'on vous exclue ignominieusement de l'Académie, et qu'on vous batte des mains au théâtre? Dédaigné à la cour, adoré à la ville, je ne m'accommoderais point de ce contraste; et, de plus, la légèreté des Français ne leur permet pas d'être jamais constants dans leurs suffrages. Venez ici, auprès d'une nation qui ne changera point ses jugements à votre égard; quittez un pays où les Belle-Isle, les Chauvelin et les Voltaire ne trouvent point de protection. Adieu.

Envoyez-moi la Pucelle, ou je vous renie.

203. AU MÊME.

Magdebourg, 25 juin 1743.

Oui, votre mérite proscrit,
Et persécuté par l'envie,
Dans Berlin, qui vous applaudit,
Aura son temple et sa patrie.

Je suis jusqu'à présent plus errant que le juif que d'Argens fait écrire et voyager. Nouveau Sisyphe, je fais tourner la roue à laquelle je suis condamné de travailler; et, tantôt dans une province et tantôt dans une autre, je donne l'impulsion au mouvement de mon petit État, affermissant à l'ombre de la paix ce que je dois aux bras de la guerre, réformant les vieux abus, et donnant lieu à de nouveaux, enfin, corrigeant des fautes et en faisant de semblables. Cette vie tumultueuse pourra durer deux mois, si le lutin qui me promène n'a résolu de me lutiner plus longtemps. Je crois qu'alors je me verrai obligé de faire un tour à Aix pour corriger les ressorts incorrigibles de mon bas-ventre, qui parfois font donner votre ami au diable. Si alors je puis avoir le plaisir de vous y voir, ce me sera très-agréable; car je crois,