202. A VOLTAIRE.

Potsdam, 15 juin 1743.

Quand votre ami, tranquille philosophe,
Sur son vaisseau, qu'il a soustrait aux vents,
Voit à regret l'illustre catastrophe
Que le destin fait tomber sur les grands,

je voudrais que vous vinssiez une fois à Berlin pour y rester, et que vous eussiez la force de soustraire votre légère nacelle aux bourrasques et aux vents qui l'ont battue si souvent en France. <132>Comment, mon cher Voltaire, pouvez-vous souffrir que l'on vous exclue ignominieusement de l'Académie, et qu'on vous batte des mains au théâtre? Dédaigné à la cour, adoré à la ville, je ne m'accommoderais point de ce contraste; et, de plus, la légèreté des Français ne leur permet pas d'être jamais constants dans leurs suffrages. Venez ici, auprès d'une nation qui ne changera point ses jugements à votre égard; quittez un pays où les Belle-Isle, les Chauvelin et les Voltaire ne trouvent point de protection. Adieu.

Envoyez-moi la Pucelle, ou je vous renie.