« <425>longtemps sur les terres pierreuses et incultes; mais la moindre pluie les fond dans un moment sur celles qui sont cultivées. Il en est de même de la colère; elle s'entretient dans un cœur brutal, et se dissipe facilement chez ceux qui ont appris à la modérer par la vertu. »

J'ai pensé, Sire, pouvoir proposer quelques questions au Philosophe de Sans-Souci sans blesser le profond respect que j'aurai toujours pour le roi de Prusse; et, toutes les fois que ce grand prince voudra me mettre à l'abri des duretés du Philosophe de Sans-Souci, de même que, pour ne pas essuyer des plaisanteries humiliantes, je me suis défait de ce que j'avais de plus précieux, je saurai bien, pour montrer mon respect et mon admiration pour le roi de Prusse, engager une année d'avance de mes revenus pour me transporter des rives de la Durance sur celles de la Havel. Ce que je dis ici n'a rapport à aucune veine d'intérêt; je suis aussi riche en Provence, où le vin me coûte un demi-gros la bouteille, la viande un gros, où le soleil, à trois semaines près, chauffe mes appartements, dont le loyer ne me coûte rien, qu'à Potsdam avec une pension à laquelle j'ajoute la mienne toutes les années. Ce Philosophe de Sans-Souci s'est toujours figuré que je ne pouvais vivre sans ses bienfaits. Assurément je n'aurais pu le faire à Potsdam, mais sans aucun embarras chez moi, et sans avoir besoin de faire gémir la presse des libraires, comme on le dit dans une épître dédicatoirea qui a été réimprimée à Francfort, ainsi que le Mandement l'a été à Strasbourg, au grand scandale de tous les philosophes. J'ai l'honneur, etc.b


a Voyez t. XV, p. 14.

b On lit sur la dernière page du manuscrit de cette lettre les mots suivants, de la main de M. de Catt : « Sa Majesté me la donna après l'avoir lue, dans le carnaval de 1769. »