<365>V. M. ne doit pas douter de la joie que j'aurai à la revoir; c'est la chose que je désire le plus dans la vie. Ainsi, quelque faible que soit ma misérable santé, ayant presque toujours des diarrhées qui me rendent d'une faiblesse extrême, et que tout l'art des médecins ne peut entièrement rétablir, je pense que, s'il est question de faire un voyage de dix-huit ou vingt milles, ce que je puis exécuter dans quatre jours, j'aurai assez de force pour le soutenir; mais, s'il faut que j'aille jusqu'à Breslau, ce que je ne saurais faire dans moins de neuf ou dix jours, dans la faiblesse où je suis, je crains bien qu'il ne m'arrive ce qui m'est déjà arrivé dans le dernier voyage que j'ai fait, et que je n'entreprenne inutilement ce que je ne pourrais pas finir. Et ce serait un bien grand embarras, si j'allais rester malade dans quelque endroit également éloigné de Berlin et de Breslau; dans l'état où je suis aujourd'hui, c'est un bien grand voyage pour moi que celui de quatre-vingts lieues au milieu de l'hiver.

Il s'en faut bien, Sire, que j'aie oublié la traduction de Plutarque; j'en ai déjà fait un quart, mais cet ouvrage fait un gros volume infolio, et il faut plus d'un jour pour en venir à bout. Vous me direz sans doute : Mais pourquoi avez-vous traduit d'autres ouvrages? Premièrement, Sire, les deux ouvrages que j'ai traduits ne font pas ensemble la valeur de vingt pages de Plutarque, et cela ne m'a coûté que fort peu de temps. Quant aux dissertations que j'y ai jointes, deux raisons m'ont obligé de les faire. J'ai composé celles sur Ocellus pour répondre indirectement à trente libelles qu'on publiait en Allemagne et en France contre les philosophes, et cela, pour en revenir toujours à celui de Sans-Souci et à ceux qu'il honorait de ses bontés. J'ai composé les dissertations sur Timée de Locres pour répandre sur ce monde, le plus détestable des possibles, une partie de la bile que nos ennemis me faisaient faire, et pour vilipender toute cette prêtraille qui se réjouissait de nos infortunes; c'était la seule consolation que j'avais dans ces temps malheureux. Je confiais mon chagrin au papier; c'était toujours un soulagement. Mon âme était trop absorbée dans ces pensées pour s'occuper uniquement de celles d'un autre, et c'est pourtant une chose à laquelle un traducteur est nécessairement obligé. Aujourd'hui, dans un temps