<22>dire qu'elle me soupçonne à tort d'être paresseux. Depuis un mois que je suis à Paris, j'ai entièrement fini mes affaires. Mes parents ont enfin pris considération; il ne s'agit plus que des engagements que je dois prendre avec eux pour éviter de retomber à l'avenir dans le même inconvénient. Ils m'offrent de me céder, par contrat public, tels fonds que je voudrai, sur lesquels fonds seront hypothéqués mes revenus. Cela est pour moi si important, que, quoiqu'il y ait trois cents lieues pour aller ou pour revenir de Provence à Paris, je pars en poste pour Aix à la fin de ce mois; je serai de retour vers la fin de septembre à Paris. J'en partirai le 1er d'octobre, et, allant en poste, j'arriverai le 15 à Berlin; ainsi mademoiselle Cochois y sera plus de six semaines avant l'Opéra. La Laurette ne vient point ici; elle s'est engagée à Londres. On a fait jouer quelques ressorts pour engager la Cochois à entrer à l'Opéra; mais ils ont été inutiles, elle a même refusé de danser. D'ailleurs, j'ai déclaré ici publiquement qu'elle était engagée. Enfin je réponds à V. M. de cette affaire.

Le duc de Richelieu est arrivé à Paris depuis trois jours. Il va à Gênes. J'aurais été avec lui jusqu'en Provence; mais il reste encore une douzaine de jours à Paris, et, pendant ce temps-là, je serai déjà arrivé à Aix; ainsi je n'irai point avec lui.

J'ai été dîner il y a quelques jours, à Passy, chez madame de Tencin, sœur du cardinal; c'est le rendez-vous des beaux esprits sexagénaires. Elle est fort polie, elle a de l'esprit; elle me fit une question que je dirai un jour à V. M.

Je soupe souvent avec l'abbé de Bernisa dans une des meilleures maisons de Paris. Il y lut, l'autre jour, deux pièces de vers; je les lui demandai pour les envoyer à V. M.; je crois qu'elle trouvera l'une bien supérieure à l'autre. L'abbé Bernis est d'une figure aimable et d'un caractère fort doux.

J'ai vu deux fois le jeune prétendant; j'ai même dîné une fois chez lui. C'est un prince bien fait, dont l'air est modeste, qui parle peu, et qui paraît avoir beaucoup de jugement. Il me dit qu'il avait appris avec une satisfaction infinie que, pendant qu'il était en Écosse, V. M. avait parlé de lui avec bien de la bonté. Il est ici fort mal à son aise, et paraît supporter son état avec


a Voyez t. IV, p. 38, et t. X, p. 123.