<168>ont tenue jusqu'à présent, les occasions heureuses qu'ils ont perdues, me font craindre qu'ils ne continuent d'agir aussi peu sensément. Cependant une révolution soudaine peut avoir lieu tout à coup dans un pays où il en arrive si souvent; en ce cas-là, je sens bien que nous serions dans la situation la plus heureuse et la plus brillante. Mais je ne pense pas que, si cet événement n'a pas lieu, nous soyons dans le cas d'essuyer les revers que V. M. me fait envisager.

J'ai remis à Voss toutes les planches; elles étaient dans une caisse avec les autres que V. M. avait fait graver. J'envoie un rôle de ces planches à V. M., que m'a donné pour ma décharge madame Schmidt,a en me les remettant. V. M. verra les planches qui restent encore dans cette caisse; je la prie de me donner ses ordres, pour savoir à qui je dois les remettre.

Vous savez sans doute, Sire, qu'on a imprimé en France et à Francfort le second volume de vos ouvrages, contenant des Épîtres et des Lettres à Voltaire.a Il ne faut pas former des soupçons sans de grands préjugés; mais, quand je songe que V. M. n'avait donné ce volume à personne, je pense malgré moi à Voltaire et à Darget.b Si ces gens-là ne sont pas la cause de l'impression de cet ouvrage, c'est donc le diable qui, pour vous punir de ne pas croire en lui, a fait publier ce volume. J'ai parcouru celui qu'on a envoyé à M. de Catt pour vous remettre; j'y ai trouvé plusieurs fautes d'impression. Mais les pièces dont ce livre est composé m'ont paru charmantes; les Lettres à Voltaire sont admirables, pleines d'imagination et d'idées nouvelles. J'ai bien ri de vous voir promettre de faire un livre pour prouver la vérité de la reli-


a Voyez t. XVIII, p. 82, et ci-dessus, p. 20 et 177.

a Voyez t. XI, p. I, et p. 1-170.

b M. Darget, ancien lecteur et secrétaire de Frédéric, vivant alors à Paris, était innocent du fait dont le marquis d'Argens l'accuse, comme on peut le voir par le billet suivant du duc de Choiseul, du 10 décembre 1759, adressé à M. de Malesherbes, directeur de la librairie, et inséré dans le Constitutionnel du lundi 2 décembre 1850, no 336 : « Il est important, monsieur, que le ministère du Roi ne soit point compromis ni soupçonné d'avoir toléré l'édition des Œuvres du roi de Prusse. Ainsi, en cas que M. Darget vienne m'en parler, je l'assurerai fort que je n'ai nulle connaissance de cette impression, et que je vais prendre les ordres du Roi pour empêcher qu'elle ne s'exécute en France. En attendant que je voie M. Darget. j'espère que l'édition sera faite et que tout sera dit, etc. »