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97. AU MÊME.a

Pretzschendorf, 5 janvier 1760.

Les vieux prophètes ont menti;
Leur jargon inintelligible
Annonçait, comme dit la Bible,
Qu'un jour on verrait les gentils
Au sceptre des Hébreux soumis.
Les Juifs osèrent les en croire,
Mais les Juifs étaient abrutis.
Quelle fut leur grandeur, leur empire et leur gloire?
Vous les voyez, dans leur histoire,
Par de puissants voisins tour à tour engloutis,
Et dans tout l'univers, ce qui vous est notoire,
De nos jours, dispersés et presque anéantis.
Ce roi libérateur, promis par Isaïe,
Qui leur devait donner ce pouvoir étendu,
Ou ne leur est jamais venu,
Ou ce fut ce pauvre Messie,
Par eux au Calvaire pendu.
Les cieux en tous les temps eurent des interprètes;
Surtout aux siècles ténébreux,
L'ignorance, adorant les scjences secrètes,
Rendait les oracles fameux.
Les astrologues, les prophètes,
Tous ces modernes charlatans,
Fabricateurs d'événements,
Qui lisent dans le cours des astres et comètes
D'un moteur inconnu les décrets éternels,
N'imposent plus par leurs sornettes
Qu'aux esprits ignorants et superficiels
Des douairières en lunettes,
Des absurdes anachorètes,
Ou des faibles bigots, lourdauds matériels.
Dont les talents essentiels
Sont de croire à toute imposture,
A tout oracle, à tout augure,
Surtout aux plus surnaturels.
Mais ceux qui, comme vous, connaissent la nature
Ne se nourrissent point de leur creuse pâture.


a Voyez t. XII, p. 141-143.