<44>V. M. sent bien que, après avoir parlé de ses actions, tout ce que j'ajouterai ne peut être que fort court, quoiqu'il me regarde personnellement. La chronique qui me met si avant dans les bonnes grâces du père Guarini, et qui me donne des lettres de créance pour le sénat de Venise, m'honore trop, et n'est pas assez bien informée. Les égards que le père Guarini peut m'avoir témoignés, je les dois reconnaître de V. M., qui a daigné lui parler de moi avec quelque bonté;b et quant à ce ministère, enfant supposé de cette nouvelle faveur, ni à aucune autre chose qui puisse lui ressembler ni de près ni de loin, il n'en a pas été jamais question; je n'y ai pas plus songé qu'à me faire chartreux ou à louer une maison de plaisance à Trachineen.c Si V. M. avait daigné examiner la vérité de ce fait, elle n'aurait pas assurément cru que ma prétendue ambassade fût la cause de ce que je me suis excusé de la commission de parler à Pinti; elle m'aurait rendu la justice, au lieu de chercher la raison de mes excuses dans une fausse histoire, de la trouver dans mon véritable caractère.

Avant de faire mes adieux à l'Allemagne, à qui il doit suffire pour toute gloire d'avoir donné la naissance à V. M., avant, dis-je, de lui faire mes adieux, ce qui sera bientôt, j'aurai l'honneur d'informer V. M. au vrai de mes marches, afin qu'elle puisse rectifier, au cas qu'il en valût la peine, les articles de la chronique qui pourraient me regarder. L'étude et les muses vont m'occuper tout entier; et je doute que V. M. puisse voir mon nom ailleurs que dans quelque journal littéraire ou au bas de mes lettres.


b Voyez t. II, p. 122.

c Nous ne saurions dire ce que le comte Algarotti entend par le mot Trachineen, à moins qu'il n'ait voulu parler de Trakehnen, où il avait accompagné le Roi peu de temps après l'avénement de ce prince (le 14 et le 15 juillet 1740). Voyez ci-dessus, p. 41, et t. XVI, p. 432.