<86>Mais que je sois libre, madame; point d'inquisition, rien qui me gêne, rien qui bride ma gaieté, rien qui mette un frein aux fantaisies de mes sentiments. Vous n'en serez pas moins apostolique, madame, car, pour ne rien vous déguiser, les apôtres vos devanciers menaient des sœurs avec eux, et il faudrait être trop bonne pour croire que ce n'était que pour être en oraison avec elles. On va plus loin à Rome : le père commun des croyants autorise même les lieux licencieux, par indulgence; et pourvu que l'on paye, il est content. Ce bon père compatit aux faiblesses de ses enfants, et il tourne ces peccadilles en bien, par l'argent qui en revient à l'Église. Le monde a de tout temps été fait de même; il lui faut du plaisir, et de la liberté dans son plaisir. Vos fidèles sujets, soumis à vos ordres en tout, ne vous obéissent pas sur cet article-là, madame; et malgré ce redoutable tribunal, Vienne ne le cède à Paris que par la façon de s'y prendre. Je vous présente requête au nom de tous vos États; les seigneurs, malgré le faste et la grandeur, s'ennuient, parce que l'orgueil est une passion triste. Ayez quelque indulgence pour l'amour, tolérez-le; c'est de toutes les passions la plus gaie, la plus sociable, et la seule qui rende heureux. Permettez que sous vos auspices on goûte de ce bonheur, le plus grand que la nature nous ait fait pour nous consoler de tous les maux dont la vie humaine est remplie. Mettez-moi par cette tolérance en état de vous rendre mes hommages sans appréhension et sans crainte; que je puisse me livrer impunément à l'ardeur de mes sentiments et à toute l'admiration que vos grandes et rares vertus m'inspirent. C'est le seul trait qui manque à votre perfection. Souffrez, madame, que les cœurs sortent de captivité; brisez leurs chaînes, donnez la liberté aux amours furtifs qui gémissent dans la servitude; exercez votre sévérité contre ces geôliers impitoyables et contre ces bourreaux de l'austérité qui n'ont que trop longtemps tyrannisé les enfants de la joie et de l'amour. Que la plus douce, que la plus charmante, que la plus humaine des passions trouve une protectrice dans la plus auguste des princesses, dans la première des femmes de ce siècle, dans cette Thérèse roi, qui est un des plus grands monarques de l'Europe. Trop heureuse, ma belle reine, si je puis vous réconcilier aussi aisément avec ma déesse,