<54>Là, jamais la simple nature
Ne fit éclater sa parure;
Tout est astuce, tout est fard,
On compose jusqu'au regard.
Le ris badin, le ris volage
Fuit soigneusement ce rivage;
Cet aimable enfant, indompté,
Doit ses jours à la liberté;
Mais les chaînes de l'esclavage
Sont le tombeau de la gaîté.
D'humains une troupe frivole,
Au pied du trône prosternés,
Sans cesse encensent à l'idole
Dont leurs trésors sont émanés.
La trahison, la perfidie,
Ces maudits essaims de l'envie,
Habitent ces lieux criminels;
La satirique calomnie,
De la faveur des grands munie,
Y persécute les mortels.
En vain, pour y trouver un sage,
Irait-on, la lanterne en main,
Dans les rues, sur le passage,
Pester contre le genre humain;
Comme une cire tendre et molle,
L'homme suit les impressions
Que l'exemple d'une cour folle
Enseigne en sa maudite école
A ses novices nourrissons.
Un ami franc, un cœur sincère
N'habite point cet hémisphère;
L'avide et sordide intérêt
Met les sentiments à l'enchère,
Et l'amitié, qu'on honorait,
N'est plus qu'un trafic mercenaire;
C'est un nœud qui n'attache guère,
Un fantôme qui disparaît.