<175>Mais le trône aussitôt me fit des adversaires;
Je les crus des héros, et c'étaient des corsaires.
Que ce récit apprenne aux peuples ignorants
Pour quels indignes dieux a fumé leur encens.
Le bonheur autrefois compagnon de ma vie
Excita contre moi la fureur et l'envie
Des rois ambitieux dont les sanglants complots
De mes voisins jaloux ont soulevé les flots;
De leurs bras réunis l'effort me persécute,
Leur haine a préparé leur triomphe et ma chute.
Dans la brûlante soif qu'ils ont de dominer,
Il n'est rien de sacré qu'ils n'osent profaner,
Ni rien que n'ait atteint leur foudre vengeresse;
L'orgueil qui les possède, augmentant leur ivresse,
Leur dépeint leurs forfaits sous les traits éclatants
Des dieux qui de l'Olympe écrasent les Titans.
Mais mon cœur, en ce trouble, atteint d'un coup plus rude,
Éprouve de mon sang la noire ingratitude;
Des princes élevés et nourris dans mon seina
Ont tâché d'y plonger le poignard assassin.
Un lustre entier, témoin de ce sanglant ravage,
A vu renouveler le crime et mon outrage,
Et, malgré tant d'assauts, mon bras faible et tremblant
Soutenir sans secours ce trône chancelant.
Le seul peuple en Europe auquel la foi nous lie,
Triomphateur des mers, nous plaint et nous oublie.
Nœuds sacrés, mais nœuds vains entre les nations,
De l'amitié des rois douces illusions,
Nés de la politique et de la conjoncture,
Vous gardez le limon de cette source impure,
Vous éblouissez l'œil qui ne sait pas prévoir,
Et trompez qui sur vous croit fonder son espoir.
Ces nobles sentiments et cette grandeur d'âme
Que la vertu nourrit et que l'honneur enflamme
A l'esprit des traités n'ont pu s'associer.


a Le duc Charles-Eugène de Würtemberg. Voyez t. IV, p. 161; t. V, p. 10 et 261; t. IX, p. 1, 11, et p. 1-8 : et ci-dessus, p. 103.