<74>Que des États on tirait l'horoscope,
On poursuivit, malgré ce Chak-Bahan.a
Pour terminer cette guerre sanglante,
Il serait bon qu'en hâte le sultan
Fît avancer la troupe triomphante
De ses spahis, dans les combats brillante,
Pour attaquer l'Autriche dans l'instant;
Sans ce moyen, nul roi ne s'accommode.
Mais ce sultan habite l'antipode,
Nous dit Balbus; et chacun, en riant,
Prenait pitié de ce fat ignorant.
« Pour moi, dit-il, tranquille en ma coquille,
Je ne connais qu'à peine ma famille;
Peu soucieux de ces grands démêlés
Dont vos esprits me paraissent troublés,
Ce sont pour moi des contes de grand'mères,
Et, dans le fond, un homme tel que moi,
Sans s'informer de ce chaos d'affaires,
Pour s'appliquer n'a pas du temps à soi.
Quoi! vous croyez qu'il ne faut rien apprendre?
Notre art, dit-il, est l'art de nous répandre
Et de fournir à la ville, à la cour,
A tout moment quelque conte d'amour;
Tous les talents dès le berceau nous viennent,
Les gens bien nés de leurs parents les tiennent.
On m'a bien dit que des gens tels que vous
Pour trop apprendre en sont devenus fous;
Sans l'embarras d'une étude importune,
Un ignorant parvient à la fortune.
Passe qu'un gueux rampant à nos genoux,
Pour se tirer du tas bourbeux de fange
Où son état méprisable le range,
Par le savoir s'élève jusqu'à nous;
Mais ce serait en nous extravagance


a Schah-Baham est le personnage principal du Sofa, conte moral, 1745, de Crébillon fils, qui, dans son Introduction, l'appelle « prince ignorant et d'une mollesse achevée. »