<302> force de ses armes les limites de sa domination; l'autre est celle de l'activité, lorsqu'un prince laborieux fait fleurir dans ses États tous les arts et toutes les sciences, qui les rendent plus puissants et plus policés.

Tout ce livre n'est rempli que de raisonnements sur cette première manière de s'agrandir : disons quelque chose de la seconde, plus innocente, plus juste et tout aussi utile que la première.

Les arts les plus nécessaires à la vie sont l'agriculture, le commerce et les manufactures; les sciences qui font le plus d'honneur à l'esprit humain sont : la géométrie, la philosophie, l'astronomie, l'éloquence, la poésie, et tout ce qu'on entend sous le nom de beaux-arts.

Comme tous les pays sont très-différents, il y en a où le fort consiste dans l'agriculture, d'autres dans les vendanges, d'autres dans les manufactures, et d'autres dans le commerce; ces arts se trouvent même prospérer ensemble dans quelques pays.

Les souverains qui choisiront cette manière douce et aimable de se rendre plus puissants seront obligés d'étudier principalement la constitution de leur pays, afin de savoir lesquels de ces arts seront les plus propres à y réussir, et par conséquent lesquels ils doivent le plus encourager. Les Français et les Espagnols se sont aperçus que le commerce leur manquait, et ils ont médité, par cette raison, sur le moyen de ruiner celui des Anglais. Si la France y réussit, la perte du commerce de l'Angleterre augmentera sa puissance plus considérablement que la conquête de vingt villes et d'un millier de villages ne l'aurait pu faire; et l'Angleterre et la Hollande, ces deux pays les plus beaux et les plus riches du monde, dépériront insensiblement, comme un malade qui meurt étique ou de consomption.

Les pays dont les blés et les vignes font les richesses ont deux choses à observer : l'une est de défricher soigneusement toutes les terres, afin de mettre jusqu'au moindre terrain à profit; l'autre est de raffiner sur un plus grand, un plus vaste débit, sur les moyens