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CHAPITRE XXI.

Il y a de la différence entre faire du bruit dans le monde et entre acquérir de la gloire. Le vulgaire, qui est mauvais appréciateur de réputations, se laisse aisément séduire par l'apparence de ce qui est grand et merveilleux, et il lui arrive de confondre les bonnes actions avec les actions extraordinaires, la richesse avec le mérite, ce qui a de l'éclat avec ce qui a de la solidité. Les gens éclairés et les sages jugent tout différemment; c'est une rude épreuve que de passer par leur creuset : ils dissèquent la vie des grands hommes, comme les anatomistes leurs cadavres. Ils examinent si leur intention fut honnête, s'ils furent justes, s'ils firent plus de mal que de bien aux hommes, si leur courage était soumis à leur sagesse, ou si c'était une fougue de tempérament; ils jugent des effets par leurs causes, et non pas des causes par leurs effets; ils ne sont point éblouis par des vices brillants, et ne trouvent digne de gloire que le mérite et la vertu.

Ce que Machiavel trouve grand et digne de réputation est ce faux éclat qui peut surprendre le jugement du vulgaire; il compose dans l'esprit du peuple, et du peuple le plus vil et le plus abject; mais il lui sera aussi impossible qu'à Molière de réunir cette manière de penser triviale avec la noblesse et le goût des honnêtes gens; ceux qui savent admirer le Misanthrope mépriseront d'autant plus le Scapin.

Ce chapitre de Machiavel contient du bon et du mauvais. Je relèverai premièrement les fautes de Machiavel; je confirmerai ce qu'il dit de bon et de louable; et je hasarderai ensuite mon senti-