<230> volonté et sa puissance rendent sa bonté efficace. J'en conviens vous dira-t-il; mais où trouver ce phénix des princes? C'est l'homme de Platon, c'est la Vénus de Médicis qu'un sculpteur habile forma de l'assemblage de quarante beautés différentes, et qui n'exista jamais qu'en marbre. Nous savons ce que comporte l'humanité, et qu'il est peu de vertus qui résistent à la puissance illimitée de satisfaire ses désirs, et aux séductions du trône. Votre monarchie métaphysique serait un paradis sur la terre, s'il en existait une; mais le despotisme, comme il est réellement, change du plus au moins ce monde en véritable enfer. Ma seconde réflexion regarde la morale de Machiavel. Je ne saurais m'empêcher de lui reprocher que l'intérêt, selon lui, est le nerf de toutes les actions tant bonnes que mauvaises. Il est vrai, selon l'opinion commune, que l'intérêt entre pour beaucoup dans un système despotique, la justice et la probité pour rien; mais on devrait exterminer à jamais l'affreuse politique qui ne se plie point sur les maximes d'une morale saine et épurée. Machiavel veut que tout se fasse dans le monde par intérêt, comme les jésuites veulent sauver les hommes uniquement par la crainte du diable, à l'exclusion de l'amour de Dieu. La vertu devrait être l'unique motif de nos actions, car qui dit la vertu dit la raison; ce sont des choses inséparables, et qui le seront toujours lorsqu'on voudra agir conséquemment. Soyons donc raisonnables, puisque ce n'est qu'un peu de raison qui nous distingue des bêtes, et que ce n'est que la bonté qui nous rapproche de cet être infiniment bon dont nous tenons tous notre existence.