<212> d'activité, et capables de tout entreprendre. Ils corrompirent à leur tour quelques soldats des gardes à la sourdine.

Cependant la conjuration n'était pas encore en état d'éclore, parce que les conjurés, voulant agir à coup sûr, se proposaient d'augmenter leur nombre. Un hasard en précipita l'exécution. L'Empereur était sur son départ pour se mettre à la tête de l'armée qui devait porter la guerre en Danemark. Il se trouvait depuis quelques semaines à son château d'Oranienbaum, où il se proposait, avant de quitter la Russie, de donner quelques fêtes à la noblesse. Il avait invité l'Impératrice à un opéra suivi d'un bal paré, dont les apprêts s'étaient faits avec faste et magnificence.

Le même jour, un soldat des gardes, que les conjurés avaient tenté de corrompre, dénonça ce qu'il savait du complot à M. de Korff, gouverneur de Pétersbourg. Ce général envoya sur-le-champ ce procès-verbal à l'Empereur, qui n'en tint aucun compte. Dès que l'Impératrice fut, le soir, de retour à Péterhof, où elle avait invité l'Empereur le lendemain pour une fête, elle y trouva la princesse Daschkoff, qui lui apprit que leur secret était découvert, en y ajoutant : « Madame, il n'y a point de temps à perdre. Ou il faut monter sur le trône, ou sur l'échafaud. » L'alternative était violente. L'Impératrice ne balança pas dans ce choix. Elle partit sur-le-champ incognito pour Pétersbourg, où elle se rendit aux casernes des gardes. Tous ceux qui étaient de la conjuration, officiers et soldats, se rangèrent autour d'elle. Elle convoqua aussitôt les autres soldats, qui s'assemblèrent sur une place près de l'église de Kasan. Là, fondant en larmes, elle leur dit que l'Empereur, la rejetant, elle et son fils, voulait l'enfermer dans un couvent, pour épouser celle avec laquelle il vivait en adultère; qu'étant étrangère et sans appui, elle implorait leur protection pour une mère désolée et pour un enfant opprimé qui se jetait entre leurs bras. Puis, poursuivant, elle ajouta : « Soldats, notre cause est la même : il s'agit non seulement de m'enfermer, mais aussi de casser »