<149> le peu d'attention qu'il eut pour les subsistances, fut cause de tous les malheurs qui arrivèrent en Poméranie. La première suite en fut qu'il détacha M. de Werner, par ménage pour ses vivres, et peut-être encore parce qu'ils ne pouvaient pas se comporter ensemble. M. de Werner marcha à Treptow; il eut l'imprudence de faire cantonner son monde; les Russes le surprirent; il fut fait prisonnier, et près de cinq cents chevaux de son corps eurent le même sort. Les Russes, encouragés par ce succès, tentèrent, la nuit du 17 au 18 de septembre, d'enlever un bataillon franc qui était posté devant la gauche des Prussiens, dans une redoute si éloignée du camp, qu'on ne pouvait pas même l'atteindre à coups de canon. L'ennemi passa par un lieu qu'on avait cru un marais impraticable, faute de le sonder; il attaqua la redoute par la gorge, et il enleva deux cents hommes qui la défendaient. M. de Romanzoff, enflé de ces petits succès, crut qu'il ne dépendait plus que de lui d'emporter les retranchements prussiens lorsqu'il voudrait l'entreprendre; il s'approcha de la redoute Verte, qui était du côté du centre du prince de Würtemberg. Il ouvrit les tranchées, et établit des batteries comme s'il s'était agi du siége régulier d'une place; il l'attaqua en forme le 19, et l'emporta. A peine voulut-il s'y établir, que le colonel Kleist,a à la tête des grenadiers, l'en délogea avec perte de onze cents hommes. Cette redoute était placée, contre les règles, à trois mille pas du retranchement, dont elle était séparée par un ravin. Cependant, quoiqu'elle fût isolée, et qu'elle donnât prise sur elle, les Russes, découragés par la perte qu'ils venaient de faire, ne l'inquiétèrent plus.

M. de Platen, ayant pris le magasin de Kobylin, traversait alors la Nouvelle-Marche, d'où il se porta droit sur Cörlin. Il y prit un détachement de trois cents Russes; mais cela ne fit point d'impression sur M. Romanzoff, qui ne remua pas dans son camp. Le prince de Würtemberg désirait que M. de Platen se portât à dos de l'ennemi,


a Primislas-Ulric de Kleist, chef d'un bataillon de grenadiers, était né en Poméranie en 1711.