<146> lui aurait donné gain de cause sur les Prussiens. Pour mieux déguiser ses intentions, le Roi donna des ordres à l'armée pour que les troupes se préparassent au combat, qu'on rechargeât les fusils, qu'on aiguisât les lames des épées, et qu'on distribuât des munitions suffisantes à l'artillerie; enfin on ne parlait que de grands préparatifs et de grands projets. Des espions autrichiens connus, qui étaient dans l'armée, partirent sur-le-champ pour en instruire M. Loudon, et ce qui peut-être paraîtra incroyable à la postérité, c'est que cette armée autrichienne et russe, campée sur les montagnes de Kunzendorf, à trois marches des Prussiens, passa huit nuits au bivouac, comptant certainement d'être attaquée d'un moment à l'autre.

M. Czernichew pressait fortement le général autrichien de marcher sur Breslau. La raison de guerre et les raisons de politique l'exigeaient ainsi; car M. Loudon, en portant sa grande armée dans la plaine, aurait débordé les Prussiens de tous les côtés; il les aurait abîmés, et aurait eu l'honneur d'avoir terminé la guerre. Il s'excusa à M. de Czernichew de ce qu'il ne pouvait s'avancer si loin dans le pays, à cause que les vivres lui manquaient, de même que les chevaux pour le transport. M. Loudon cachait sa véritable raison de ne rien entreprendre : il craignait de s'exposer dans la plaine, parce que les Autrichiens y avaient souvent été battus. D'ailleurs, comme il ne tenait à rien, et qu'il n'avait point de protection à la cour de Vienne, il ne voulut rien hasarder; il se contenta de la réputation que la prise de Schweidnitz lui avait faite, et il continua de se tenir sur ses montagnes dans une inaction parfaite.

Nous ne devons pas omettre un fait dans cet ouvrage, qui caractérise et cette guerre, et l'esprit du temps. Le margrave Charles était chargé de la correspondance avec les ennemis. Les Prussiens avaient un cartel avec les Autrichiens, que ces derniers rompaient quand ils croyaient y trouver leur avantage. Il y avait près de deux ans qu'ils n'avaient voulu consentir à aucun échange de prisonniers. Ils payaient