<77>Pour surprendre son ennemi dans son camp, il faut qu'il ne pense point à pouvoir être surpris, et qu'il se fie ou à sa supériorité, ou sur son poste, ou sur ses avis, ou enfin qu'il se repose entièrement sur la vigilance de ses troupes légères. Dans tous les desseins que l'on forme, la première chose par laquelle il faut commencer, c'est de connaître le pays, ensuite la disposition locale des ennemis. Il faut connaître parfaitement tous les chemins qui vont à ce camp, et faire ensuite la disposition générale, fondée sur toutes ces connaissances de détail; l'on choisit ce qu'il y a de mieux et de plus instruit parmi les chasseurs pour conduire les colonnes, et l'on couvre toutes ces choses du voile du mystère et du secret, qui est l'âme de pareilles entreprises. On porte ses troupes légères en avant sous d'autres prétextes, mais en effet pour empêcher qu'un maudit déserteur ne vous trahisse; ces hussards empêchent les patrouilles de l'ennemi de s'aventurer et de s'apercevoir des mouvements de l'armée. On donne des instructions aux officiers généraux pour tous les cas, de sorte qu'ils sont instruits de ce qu'ils doivent faire à tout événement. Si le camp de l'ennemi est dans une espèce de plaine, on peut faire une avant-garde de dragons qui, se joignant aux hussards, s'abandonnent à toute bride dans le camp des ennemis, y portent le désordre, et sabrent tout ce qu'ils trouvent. Il faut les soutenir de toute l'armée, prendre son infanterie en avant, et surtout opposer de l'infanterie aux ailes de cavalerie des ennemis. L'attaque de l'avant-garde doit commencer une demi-heure avant le jour, et l'armée ne doit en être éloignée que de huit cents pas. On observe un profond silence durant la marche; on défend aux soldats de fumer du tabac. Dès que l'attaque commence, et que le jour paraît, l'infanterie, en formant quatre à cinq têtes, marche tout droit au camp, pour soutenir l'avant-garde. Elle ne tirera point avant la pointe du jour, car elle pourrait blesser ses propres gens; mais lorsque l'on peut voir, on fait tirer vers les endroits où le ravage de l'avant-garde ne tombe pas, princi-