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2. DÉFENSE.

Rien ne défend mieux les places que les mines ou les inondations. Il faut de l'habileté pour en connaître tout l'avantage et pour s'en servir à propos. La science de défendre les places se réduit à retarder leur reddition. Les moyens que l'on emploie à cette intention ne sont pas les mêmes. Quelques officiers font trop grand cas des sorties; il me paraît qu'un homme que perd la garnison est plus pour elle que douze pour les assiégeants. Les grandes sorties exposent à de grandes pertes, et il arrive même qu'elles ne mènent à rien. Si je commandais dans une place, je ne ferais de grandes sorties que lorsque l'armée s'approcherait pour me secourir, parce que ce serait sans grand hasard; je ferais même mes plus grands efforts sur les tranchées dans le temps de la bataille, pour faire diversion à l'ennemi; mais dans un cas où je n'aurais aucun secours à attendre, et si je me voyais réduit à mes propres ressources, je mettrais toute mon application à gagner du temps. J'ai remarqué, dans tous les siéges que j'ai faits, qu'un coup de fusil met de la confusion parmi les travailleurs, qu'ils s'enfuient, et qu'on ne les remet pas à l'ouvrage de toute la nuit. J'ai donc imaginé que, faisant toutes les nuits à différentes reprises des sorties de douze hommes sur les travailleurs, on les disperserait, et l'on ferait perdre à l'ennemi une nuit après l'autre. De cette façon, je fais beaucoup avec peu de risque, et je ménage ma garnison pour m'en servir dans les ouvrages où commence la véritable défense des places. Là je préparerais mes feux longtemps d'avance; lorsqu'il s'agirait, par exemple, de l'assaut du chemin couvert, je n'y laisserais que peu de monde, garnissant bien d'infanterie et de canon l'ouvrage qui est immédiatement derrière et les ouvrages collatéraux; je préparerais deux sorties, avec lesquelles je leur tomberais sur les deux flancs lorsqu'ils commenceraient à travailler à leurs logements, et je les chasserais ainsi. Cette même manœuvre peut être répétée autant