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26. DU MÊME.

Paris, 23 mai 1744.



Sire,

J'ai reçu la lettre du 13 de ce mois que Votre Majesté m'a fait l'honneur de m'écrire, de même que les paquets, que mon homme qui à été à Wésel m'a rapportés en bon état. Je ne manquerai pas d'exécuter vos ordres le mieux qu'il me sera possible, et je ne négligerai rien pour bien remplir mon objet, pour que vous ayez lieu d'être satisfait de ma conduite, Sire. Je compte d'aller dans quatre ou cinq joins d'ici à l'armée de Flandre pour la voir, et pour y arranger quelques affaires de famille avec le maréchal de Noailles, qui est oncle de ma femme. J'espère que V. M. ne le trouvera pas marnais; aussitôt que mesdites affaires de famille seront arrangées, je partirai sur-le-champ pour retourner auprès de vous, Sire. Ayez la bonté de m'adresser une lettre à Minden, que je trouverai chez le président, si vous le jugez à propos, pour que je sache si vous êtes encore à Pyrmont quand je passerai dans cette ville; en ce cas, j'aurai l'honneur de vous y aller faire ma cour.

J'ai reçu cinq mille deux cents livres pour les chirurgiens; j'ai fait leurs engagements, et je compte les faire partir d'ici aux premiers jours. J'espère que vous aurez lieu d'être content d'eux; ils sont de bien habiles gens, et seront à même de professer la chirurgie et l'anatomie à Berlin, ce qui vous formera, Sire, des sujets excellents dans votre pays, et fera que vous n'aurez plus besoin d'envoyer des gens à Paris pour y apprendre leur métier. J'ai aussi reçu les mille écus d'Allemagne que vous avez eu la bonté de m'envoyer pour subvenir à toutes les dépenses que j'ai été obligé de faire dans mon voyage. J'ai aussi reçu l'argent que j'avais déboursé pour vous, Sire, pour les tableaux de Watteau et les deux courses de mon valet de chambre.<601> Je suis actuellement en marché d'un très-beau tableau de Watteau, pour vous l'avoir à bon marché, ce que j'espère; en ce cas, je vous l'achèterai, et je vous le rapporterai avec ceux que j'ai déjà pour V. M.

Pour ce qui regarde l'article de nos toiles de Silésie, je tâche de prendre les meilleurs arrangements sur cela, dont j'espère que vous aurez lieu d'être content; à mon retour, je vous en rendrai compte, Sire.

Vous saurez déjà actuellement, Sire, que Menin est investi; la tranchée a été ouverte du 20 au 21. On compte que cette place ne pourra pas tenir plus de huit ou dix jours, par l'artillerie énorme que la France a. Le Roi continue à parler avec tout le monde, et se lait informer de tout; il est très-aimé à l'armée. Son quartier est à Warwick, tout proche de Menin; le comte de Saxe est à Courtrai avec son corps d'observation. Jusqu'à présent, les alliés ne font encore aucun mouvement en avant; je crois que les Fiançais pourront prendre plusieurs places avant que lesdits alliés soient en état de les en empêcher.

Le prince de Conti a encore pris un poste très-avantageux proche du col de Tende, où il a fait trois cents prisonniers, dont il y a cent cinquante soldats et cent cinquante paysans armés. Je finis ma lettre en vous renouvelant le profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'être, etc.