<528>Je crains de n'avoir pas le plaisir de vous voir sitôt; c'est pourquoi je vous prie de me particulariser un peu, sous mots couverts, ce qui peut être transpiré jusqu'à vous de ces personnes. Je vous assure que vous n'avez rien à craindre de mon caquet, et, si vous le voulez, je vous renverrai la lettre que vous m'écrirez là-dessus, afin que vous puissiez la brûler vous-même. L'occasion de l'arrivée de Jordan serait assez sûre pour lui confier un tel dépôt; deux mots peuvent contenir tout ce de quoi il s'agit.

Si quelqu'un y perd que vous ne soyez pas de la coterie de Rheinsberg, c'est moi, sans contredit; je souhaiterais que le temps de ces éternelles circonstances pût une fois finir. Si jamais j'ai voulu du mal à la prudence, je lui en veux en cette occasion, vu qu'elle me prive de votre compagnie.

A l'égard de vos vers, il me semble que

Tu te sers, il est vrai, dans tes vers, de mes rimes;
Mais, changeant finement le tour, l'expression,
Tu me fais avouer, à ma confusion,
Que, si je les ai faits, c'est toi qui les relimes.

Je m'en vais partir à présent pour me rendre à Rheinsberg. Je suis charmé de ce que vous avez approuvé la distribution de mon temps; je tâche de l'employer aussi utilement et aussi agréablement que je le puis. Me préparant à recevoir le Gast royal qui me viendra un de ces jours,a je tâche, afin qu'il ne se repente pas d'avoir fait le voyage, de porter toutes mes attentions à ce qui lui peut faire plaisir, et j'espère que l'effet répondra à mes soins.

Ce joug que l'on nomme devoir
M'apprend comme il faut recevoir
Celui que trois fois je révère,
Comme souverain, maître et père;


a Frédéric-Guillaume Ier se rendit pour la première fois à Rheinsberg le 4 septembre 1736. Voyez le Journal secret du baron de Seckendorff, p. 148 et 154. Le Roi n'y retourna qu'une seule fois.