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16. DU MARQUIS DE CONDORCET.

Paris, 6 mai 1786.



Sire,

J'ai été vivement touché de la bonté avec laquelle Votre Majesté a daigné me permettre de réclamer ses lettres à M. d'Alembert, et de conserver entre mes mains ce dépôt précieux. Cette marque de sa confiance me sera toujours chère; j'en garderai une éternelle et respectueuse reconnaissance; mais je n'aurai pas l'avantage d'en profiter.

V. M. verra, par la lettre de M. de Vergennes dont j'ai l'honneur de lui envoyer une copie, qu'il avait déjà disposé de ce dépôt, ce qu'il a trouvé plus prudent de deviner que d'attendre les intentions de V. M. M. de Nicolaï, premier président de notre chambre des comptes, qui avait positivement promis de garder les lettres, qui ne les avait reçues qu'à cette condition, ne s'est pas cru obligé de remplir ses engagements.

Il doit m'être permis d'en être affligé. V. M. est la seule personne qui puisse ne pas sentir tout le prix de ses lettres; et l'intérêt que je prends à la gloire de M. d'Alembert peut-il me laisser voir avec indifférence la destruction du plus beau monument qui pût honorer sa mémoire? Mais les regrets, loin de diminuer les sentiments que la bonté, que la confiance de V. M. m'ont inspirés, ne peuvent que les augmenter.

Daignez, Sire, en agréer l'hommage, et me permettre de vouer pour toujours à V. M. quelque chose de plus que du respect et de l'admiration.

Oserai-je joindre mes vœux à ceux de l'Europe? Il est sans exemple qu'un roi, qu'un héros ait excité chez les nations étrangères un inté-