<190>bien je suis déchu du peu que j'étais, quoique assurément je ne sois pas tombé de bien haut. L'essentiel, pour être le moins mal qu'il est possible, est de se soumettre à sa destinée, d'écouter et de ménager la nature, d'opposer le régime à ses écarts et le repos à sa faiblesse, enfin de traîner le moins douloureusement qu'il est possible le reste de la carrière qu'elle me destine. C'est ce que je tâche de faire bien ou mal.

V. M. recevra cette lettre vers les premiers jours de l'année prochaine. Cette année, Sire, sera la quarante et unième d'un règne qui fournira tant de beaux traits à l'histoire, tant d'exemples aux souverains, tant de leçons aux généraux et aux politiques, et tant d'admiration aux sages. Puisse-t-il prolonger encore longtemps sa brillante durée! puissé-je, quand l'Élysée ou le Tartare m'appelleront, laisser encore V. M. sur la terre! puissé-je enfin, tant qu'il me restera un souffle de vie, la convaincre de plus en plus de la tendre et profonde vénération avec laquelle je serai jusqu'au dernier soupir, etc.

228. A D'ALEMBERT.

(Le 6) janvier 1781.

Je crois que le meilleur parti qu'on puisse tirer de la philosophie consiste à nous rendre la vie supportable, et rien n'adoucit plus notre existence qu'une certaine tranquillité d'âme qui bannit de l'esprit les soucis et les idées sombres qui l'inquiètent. Je m'en ferais accroire, si je pouvais me persuader qu'un ignorant de ma trempe eût pu répandre la sérénité dans l'âme d'un grand philosophe, dans celle de