<424> l'honneur, Sire, de me comparer, quoique indigne, et avec qui je n'ai rien de commun que de n'oser manger des fèves (à la vérité par de meilleures raisons que lui), ce Pythagore aurait tremblé, s'il eût dû avoir comme moi pour juges de ses écrits Numa, Alexandre et Marc-Aurèle. V. M. prétend que mes rapsodies vivront plus longtemps que les journaux immortels de ses campagnes. J'ai lu, je ne sais en quel endroit, que César annonçait la même chose à un philosophe de son temps, dont il n'est rien venu jusqu'à nous, tandis que les Commentaires de César, respectés par dix-huit siècles, sont encore lus et admirés de nos jours.

Il est étonnant, Sire, j'en conviens avec regret, que des philosophes méprisés ou persécutés chez eux ne cherchent pas d'asile auprès d'un prince fait pour les consoler, pour les protéger et pour les instruire. V. M. en demande la raison. C'est que, dans le pays que ces philosophes habitent, le climat console de la Sorbonne, et le physique du moral; c'est que ces philosophes ont une santé faible et des amis; c'est qu'ils pensent pour leur patrie comme la femme du médecin malgré lui, qui aime son mari, quoiqu'elle en soit battue, et qui répond assez sottement à ceux qui veulent la séparer de lui : « Je veux qu'il me batte. »a

Vous mettez, Sire, le comble à vos bontés pour moi par les détails où vous voulez bien entrer sur ma santé. Elle se rétablit peu à peu, et j'espère qu'elle se conservera par un régime exact, le seul remède auquel j'aie confiance. Toutes les recettes dont j'ai usé d'ailleurs, quoique réputées stomachiques ou stomachales, car leur nom n'est pas plus assuré que leur effet, m'ont fait plus de mal que de bien; mon estomac est de la nature des pédants; il se révolte contre tout ce qui lui est nouveau, médicaments et nourriture. Si j'avais néanmoins le malheur de ne pouvoir me passer de remèdes, j'essayerais des eaux minérales que V. M. me conseille; mais j'aurai recours


a Le Médecin malgré lui, acte I, scène II.