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Hélas! tout, je le vois, est à craindre pour nous :
Votre milice est invincible,
De vos héros fameux le dieu Mars est jaloux,
La fougue française est terrible,
Et je crois déjà voir, car la chose est plausible.
Vos ennemis vaincus tremblant à vos genoux.
Mais je crains beaucoup plus votre rare prudence,
Qui, par un fortuné destin,
A du souffle d'Éole, utile à la finance,
Abondamment enflé les outres de Bertin.a

Vous parlez à votre aise de cette cruelle guerre. Sans doute les contributions que votre seigneurie de Ferney donne à la France nourrissent la constance des ministres à la prolonger. Refusez vos subsides au Très-Chrétien, et la paix s'ensuivra. Quant aux propositions de paix dont vous parlez, je les trouve si extravagantes, que je les assigne aux habitants des Petites-Maisons, qui seront dignes d'y répondre. Que dirai-je de vos ministres?

Certes, ces gens sont fous, ou ces gens sont des dieux.a

Ils peuvent s'attendre de ma part que je me défendrai en désespéré; le hasard décidera du reste.

De cette affreuse tragédie
Vous jugez en repos parmi les spectateurs,
Et sifflez en secret la pièce et les acteurs;b
Mais de vos beaux esprits la cervelle étourdie
En a joué la parodie.


a Voyez t. XII, p. 155.

b Réminiscence des derniers vers de la fameuse épigramme de J.-B. Rousseau qui commence par le vers
     

Ce monde-ci n'est qu'une œuvre comique,

et qui finit par ceux-ci :
     

Mais nous payons, utiles spectateurs;
Et quand la farce est mal représentée,
Pour notre argent nous sifflons les acteurs.