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Il vous aurait mis à sa table,
Pour moitié vous donnant Vénus.
Son fils, enfant plein de malice,
Bandant son arc, riant de plus,
Vous aurait blessé par caprice;
Car dans ce séjour de délice,
L'amour n'est jamais de refus.

Hébé vous eût offert un verre
Rempli du plus exquis nectar;
Mais vous le connaissez, Voltaire,
Vous en avez bu votre part;
C'était le lait de votre mère.

Voilà comme le roi des dieux
Vous aurait traité dans les cieux.
Pour moi, qui n'ai point l'honneur d'être
L'image de ce dieu puissant,
Je veux, dans ce séjour champêtre,
Vous en procurer tout autant;
Je veux imiter cette pluie
Que sur Danaé son galant
Répandit très-abondamment;
Car de votre puissant génie
Je me suis déclaré l'amant.

Mais comme le sieur Mettra pourrait réprouver une lettre de change en vers, j'en fais expédier une en bonne forme par son correspondant, qui vaudra mieux que mon bavardage. Vous êtes comme Horace, vous aimez à réunir l'utile à l'agréable;a pour moi, je crois qu'on ne saurait assez payer le plaisir, et je compte d'avoir fait un très-bon marché avec le sieur Mettra. Je payerai le marc d'esprit à proportion que le change hausse. Il en faut dans la société; je l'aime; et l'on n'en saurait trouver davantage que dans la boutique de Mettra.

Je vous avertis que je pars pour la Prusse, que je ne serai de re-


a Art poétique, v. 343. Voyez t. XXI, p. 353.