<322> en fumée; mais je craignais que, avant qu'il n'arrivât quelque événement décisif, vous ne succombassiez sous les fatigues que vous avez essuyées depuis six ans. Enfin, après un orage épouvantable, le calme est revenu, et je connais trop l'étendue de vos lumières pour ne pas être assuré que vous profiterez autant qu'il vous sera possible du tour heureux que prennent les affaires. Vous devriez bien, par pitié, me donner encore quelque bonne nouvelle. J'ai déjà relu, sans exagération, depuis six heures trente fois votre lettre, et, avant que la journée finisse, je la relirai bien encore autant de fois. Mais il me semble que vous ne m'avez dit que la moitié des choses heureuses qui sont arrivées. Vous m'avez traité comme un malade qui, par sa faiblesse, ne peut pas encore soutenir tout à fait le grand jour. Dans le fond, vous n'avez pas mal agi pour ma pauvre cervelle, car encore un degré de plus de plaisir, je n'aurais pas répondu d'elle. Oh! si j'avais à présent le bonheur d'être auprès de V. M., que je lui dirais de choses! Il s'en présente tant à mon esprit, que je crois que je pourrais en faire un gros volume in-folio. Je voudrais bien vous en écrire ici quelques-unes, mais j'attends pour cela votre première lettre. J'ai encore besoin d'un élixir qui achève de rétablir entièrement mes forces. Je ressemble à ces malades qui, ayant été longtemps entre la vie et la mort, ont peine à se persuader qu'ils n'ont plus de rechute à craindre. J'attends donc encore une ou deux lignes de V. M. pour me livrer entièrement à cette joie vive qui nous fait goûter dans ce monde terrestre les plaisirs que les dévots se promettent dans le céleste. Il dépend donc, Sire, de V. M. de me mettre au rang des bienheureux et de me canoniser tout vivant, chose que tous les papes du monde ne sauraient faire. J'ai l'honneur, etc.