<318>

32. A M. DE SUHM.

Remusberg, 23 octobre 1736.



Mon très-cher Diaphane,

Je viens de recevoir à la fois les deux lettres que vous m'avez fait le plaisir de m'écrire; je vous remercie des pièces traduites de Wolff que vous y avez jointes. Je ne saurais assez m'étonner de la reconnaissance que vous me témoignez au sujet de la montre que je vous ai envoyée. Cette petite bagatelle m'aurait été suffisamment payée par la valeur d'une ligne de votre main. Il faut en vérité, mon cher Diaphane, que vous ayez grande provision de vertus, puisque vous en faites une si considérable dépense à l'occasion d'un rien. Si votre reconnaissance se manifeste si efficacement à l'occasion d'une montre, d'un rien qui, tout au plus, ne peut être compté que pour une très-faible marque de mon amitié, à quoi ne doit-on pas s'attendre d'un cœur comme le vôtre, qui sait si bien sentir et reconnaître les bienfaits? Il y a plaisir à vous obliger, mais cette raison n'est pas le seul motif ou la seule raison suffisante qui m'y porte.

Je crois que vous ne serez pas fâché que je vous dise deux mots de nos passe-temps champêtres; car, avec les personnes qui nous sont chères, l'on aime à entrer jusque dans les plus petits détails. Nous avons partagé nos occupations en deux classes, dont la première est celle des utiles, et la seconde celle des agréables.a Je compte au rang des utiles l'étude de la philosophie, de l'histoire et des langues; les agréables sont la musique, les tragédies et les comédies que nous représentons, les mascarades, et les cadeaux que nous donnons. Les occupations sérieuses ont cependant toujours la prérogative de passer devant les autres, et j'ose vous dire que nous ne faisons qu'un usage raisonnable des plaisirs, ne les prenant que pour délasser l'esprit et


a Voyez ci-dessus, p. 146.