<118> des mœurs honnêtes. Il les examinait lui-même toutes les fois qu'ils revenaient des écoles publiques, et avait grand soin de leur faire répéter les premiers éléments de la foi, réduits en demandes et en réponses, pour leur inculquer de bonne heure les préjugés de leur croyance et les affermir dans notre sainte religion; il leur faisait une habitude de la vérité, en les punissant toutes les fois qu'il leur arrivait d'user de déguisements pour colorer leurs fautes; il ne souffrait point qu'ils se disputassent, encore moins qu'il leur échappât des discours ou des paroles indiscrètes, que le petit peuple profère si indécemment, et en quoi la rusticité des hommes agrestes fait consister toute son éloquence; il s'appliquait surtout à les rendre laborieux, afin qu'ils fussent un jour utiles à leur patrie, et à leur former le cœur, pour qu'ils le fussent à eux-mêmes. Il disait souvent : Je leur amasse un trésor de vertus. Platon ni Socrate ne pouvaient mieux s'exprimer. Si le souverain bien consiste dans la vertu, comme cela est indubitable, il a laissé après sa mort la famille la plus riche de l'État, et en même temps il s'est acquitté du premier devoir d'un bon citoyen, qui est d'élever d'honnêtes gens et des sujets zélés pour la patrie. C'est, mes frères, un devoir qui vous est commun à tous, mais que peu de personnes remplissent; un préjugé fâcheux et dangereux par ses suites fait que les parents ne s'occupent que des biens qu'ils laisseront à leur postérité, sans se donner toute l'application que demande le soin de former les mœurs et le caractère. Je laisse tant de terres à mon fils aîné, dit-on, tant d'argent à mon cadet, et une grosse dot à ma fille. Qu'arrive-t-il? Le bien est dissipé dans peu après la mort du père, et cette race perverse, sans talents et sans mérite, est réduite à la mendicité, sans avoir la consolation d'être plainte dans son infortune; voilà une famille ruinée pour l'État, et des citoyens dont la patrie ne pourra jamais tirer le moindre avantage.