<107> bienséance et une espèce de contrainte qu'impose ce temple auguste vous obligent à m'écouter patiemment, je veux vous apprendre malgré vous ce qu'il en coûte à l'industrie, non pas à contenter tous vos besoins, mais du moins celui dont je viens de parler; et pour vous en instruire, nous n'avons qu'à suivre l'exact et laborieux Matthieu Reinhart dans son atelier.

Il ne mettait jamais la main à l'œuvre avant d'avoira fait un choix recherché des matières qu'il voulait ouvrager, cuir pour les talons, cuir pour les semelles, cuir pour la couverture du pied. Tous sont d'un genre très-différent, et les ouvrages sont souvent réputés mauvais quand le choix de ces assortiments n'est pas fait avec discernement et connaissance. Il avait ses tanneurs qui travaillaient pour lui, et sur l'exactitude desquels il pouvait compter; pour que le public fût satisfait de son travail, il prenait la précaution de garder en dépôt dans ses magasins cette première matière, afin de s'assurer qu'elle était durable et parfaite. Comparez votre conduite à la sienne, et connaissez-en la différence : Matthieu Reinhart choisit des moyens qui doivent le mener au but qu'il se propose, et vous, sans examiner par quelles voies vous prétendez arriver à vos fins, vous vous laissez diriger à votre imprudence et au hasard; il examinait tout par lui-même, vous vous fiez au premier venu qui se présente et dont l'ascendant vous subjugue; il prenait des précautions sages, vous n'avez jamais su ce que c'est que d'en prendre; il voulait atteindre à la perfection de son art, vous n'en avez aucun que la suffisance et la frivolité. Il ne se contentait pas de diriger ses ouvriers; il leur enseignait sa méthode, il les accoutumait à l'exactitude, il rejetait ce qui était défectueux, et travaillait lui-même pour donner en même temps le précepte et l'exemple. Il ne désira point de devenir maître, mais ses grands talents l'élevèrent. Vous, au contraire, vous briguez les em-


a Avant que d'avoir. L. c., p. 8.