<66>Retenaient mes plaisirs en bride,
Et rendaient ma joie insipide;
Je te puis, cher ami, sans peur,
Libre et seul maître de moi-même,
Confier à quel point je t'aime.
Aux sentiments vifs de mon cœur
Ton cœur servira d'interprète;
Que sans fin cet écho répète
Tous les charmes et la douceur
D'un commerce plein de candeur.
Mais au plaisir, lorsque j'y pense.
Succède bientôt la douleur;
D'un démon jaloux du bonheur
Je sens la maligne influence;
C'est lui qui cause ton absence,
L'aggrave encor par sa longueur.
Quand ce démon plein de furie
Calme son importune ardeur,
Aura-t-il la galanterie
De laisser à ton protecteur,
A ton séraphin tutélaire,
Le plaisir, la gloire et l'honneur
De t'amener, plein de vigueur,
Trouver ton étoile polaire
Et humer la divine odeur
Des parfums de notre prairie?
Viens promptement, pour mon bonheur,
Revoir cette rive fleurie,
Ta vraie et ta seule patrie,
Où, sans toi, de la belle humeur
La source à jamais est tarie.