<54>Sans faire à nos neveux une imposture noire,
Mais n'en rendant pas moins hommage à tes vertus,
Elle te servira de ce que sert Plutus.
Reçois donc par mes mains l'instrument de ta gloire;
Aux enfants d'Apollon il sert de réfectoire;
De tout auteur savant fidèle compagnon,
Organe de qui veut faire afficher son nom,
Dans le greffe, au barreau, le commis, le notaire,
Et Bernard,5 et Fleury, Réaumur, et Voltaire,
En font à leur honneur sortir l'encre à grands flots,
Et Rollin des anciens en tire les travaux.
Du fond de ton esprit je vois déjà d'avance
Découler des torrents de sublime science;
Je vois déjà, rangés sur mes rayons nouveaux,
De tes heureux écrits les gros in-folios,
Croître et multiplier, ainsi qu'une famille,
Les livres projetés dont ton esprit fourmille;
Je te vois, éclipsé sous leurs nombreux monceaux,
Oublier d'Hans Carvel le merveilleux anneau.a
O Jordan! souviens-toi que toute étude est vaine,
Qu'on y perd et son temps, sa vigueur, et sa peine,
Enfin qu'on n'a rien fait en ces terrestres lieux,
Si l'on n'a point appris le secret d'être heureux.

Vous aurez la bonté de faire la critique de la pièce. Les hyperboles y sont outrées; mais je vous jure qu'il n'y a rien de plus sec et de plus aride que le sujet de l'écritoire que je vous envoie. Il aurait été beaucoup plus naturel de l'accompagner simplement de deux mots de prose; tout homme sensé en aurait usé ainsi. C'est à la mé-


5 Le banquier. [Voyez t. I, p. 110.]

a L'Anneau d'Hans Carvel, conte de La Fontaine (livre II, conte XII), tiré de Rabelais, Gargantua et Pantagruel, livre III, chap. XXVIII.