<174>Manon entre sans escorte,
La tremblante terreur l'escorte;
Sa main fait briller un flambeau,
Et veut de sa maîtresse morte
Éclairer le triste tombeau.
O ciel! quel spectacle nouveau!
Marquis, ta flamme trop ardente
Sur le reste de ton amante
Attache ton corps éperdu;
Collant ta bouche sur sa bouche,
Ton œil jette un regard farouche
Sur cet objet, qu'il a perdu.
Margot voit tout, mais, étonnée,
S'écrie : « Heureuse destinée!
Chère maîtresse, après ta mort,
L'amour triomphe de ton sort.
Oui, la tendresse te prodigue
Tout ce que ma frêle beauté
Reçoit tout au plus de l'intrigue
Ou de la générosité. »
Mais, revenu de son délire,
Le marquis voit son attentat;
Il est interdit, il soupire,
Il maudit son funeste état.
Son esprit, jadis incrédule,
Soudain possédé du scrupule,
Est rempli d'horreur et de peur;
Dans le désespoir qui le brûle,
Il est aveuglé par l'erreur.
Du pape il va baiser la mule;