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XXXII. VERS ENVOYÉS PAR FRÉDÉRIC A UN CURÉ QUI S'ÉTAIT AVISÉ DE CÉLÉBRER LE JOUR DE SA NAISSANCE PAR UNE ODE.

Ami rimeur, prêtre présomptueux,
D'où vous vient l'humeur téméraire
De profaner par des vers raboteux
De votre roi l'anniversaire?
Sans doute, lorsqu'on s'avisa
De vous nommer héraut de grâce,
Mon consistoire ne pensa
Introduire à la chaire un hibou du Parnasse.
Mais sans raisonner plus avant,
Je vous avertis nettement
Que, parmi cent mille querelles
Divisant le monde lettré,
On n'en voit guère trois lesquelles
Aient attaqué ma royauté.
Pourquoi donc en vanter la gloire?
<171>Ne saurait-elle à l'aide de l'histoire,
Aussi sans vous, venir à la postérité?
Laissez à chacun son domaine,
Et ne vous mêlez point d'un office étranger.
Vous avez un troupeau, restez-en le berger;
Et sans songer à Melpomène,
Laissez de me voler la peine
A mes régisseurs généraux,
Le droit de me tromper à mes bons généraux,
A mes sujets le frivole avantage
De murmurer de leur péage;
(Ils ont grand tort, en bonne foi.)
Mais si vous cherchez à me plaire,
Criez-leur du haut de la chaire :
Voilà, chrétiens, l'enfer; payez le Roi!
Et ne rimez jamais sur mon anniversaire.