<76>Mais ce même Alexandre, arrêtant sa furie,
Dans Thèbes de Pindare épargna la patrie.
La Grèce était alors le berceau des beaux-arts,
La science y naquit sous les lauriers de Mars.
De la gloire des rois vains juges que nous sommes!
L'époque des beaux-arts est celle des grands hommes.
Avant qu'on eût vu Rome au point de sa splendeur,
Le sénat n'honorait que la seule valeur;
Mais le grand Africain, destructeur de Numance,
Protecteur d'Ennius, ami de la science,
Apprit par son exemple à ses grossiers rivaux
Que les arts n'ont jamais dégradé les héros.a
César vint après lui; le vainqueur de Pompée
Tint dans ses mains le sceptre, et la plume, et l'épée.
Depuis, l'heureux Auguste, apaisant l'univers,
Dans un temple pompeux plaça le dieu des vers;
La muse de Virgile et la lyre d'Horace,
A la postérité pour lui demandant grâce,
Par l'effet enchanteur de leurs illusions,
Détournèrent nos yeux de ses proscriptions.
Après les Antonins, Mars, rempli de furie,
Ramena dans ces lieux l'antique barbarie;
Apollon prit son vol vers la céleste cour,
Le dieu du goût quitta ce terrestre séjour,
Le Tibre vit les Huns se disputer ses rives,
Et l'on n'entendit plus que Muses fugitives
Attendrir l'Orient de leurs tristes récits.
Douze siècles après s'éleva Médicis;
A sa voix, les beaux-arts, rappelés à la vie,
Pour la seconde fois ornèrent l'Italie.


a De héros. (Variante de l'édition in-4 de 1760, p. 104.)