<199>On en jouit sans trouble, on les prend sans excès,
On y revient toujours lorsqu'on est las des vôtres.
Dans tout âge nos goûts sont succédés par d'autres :
Le printemps nous soumet à l'inconstant amour,
La gloire, en notre été, sur nous règne à son tour,
Dans l'automne souvent l'intérêt en ordonne,
Et l'hiver de nos jours se plaint, gronde, raisonne.a
Des visages ridés, des cheveux blanchissants
Sont honteux d'arborer tous vos déguisements,
Dans la décrépitude il siérait bien sans doute
D'endosser sans désirs le masque et la bahoute;b
L'amour n'a plus pour eux ni flèches ni carquois,
Et la caducité n'en reçoit plus de lois;
L'amour aux cœurs glacés paraît une folie,
En les abandonnant, l'amour les humilie,
Ils blasphèment les dieux qu'ils avaient adorés,
Ils ne sont qu'impuissants et non pas modérés.
Sans passions, adieu vos galantes merveilles :
Les sens sont comme sourds au rapport des oreilles.
Les yeux sont-ils frappés des objets les plus beaux,
C'est l'ombre d'un palais qui se peint sur les eaux,
Tandis que chaque flot, d'une course légère,
Emporte, en s'échappant, cette ombre passagère :
Ainsi pour un vieillard passent les voluptés.
Jouissons des plaisirs sans en être entêtés.
Sweerts, heureux qui s'en va, reprenant sa houlette,
Retrouver ses jardins, ses bois et sa retraite,
Après que sur la scène il a vu dans un camp


a Gronde et raisonne. (Variante de l'édition in-4 de 1760, p. 260.)

b Espèce de manteau ou de voile recouvrant la tète, la figure et les mains, dont les femmes t'ont usage en Italie dans les mascarades du carnaval, et qu'on appelle en italien bautta.